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Un ango à Tosho-ji

Le retour d’expérience de Sebastian Voltz

Trois mois de vie monastique se résument à une seule journée. Réveillé au tambour, un long zazen démarre la journée, suivi d’une cérémonie, des Oryokis, du ménage, du thé, du Samu,du   déjeuner, de la sieste, d’un autre Samu, d’un autre thé, d’un repos, du dîner, du bain et d’un zazen avant de se coucher.

Bien sûr, les tâches et les responsabilités varient, les saisons et la sangha se  transforment, de nouveaux évènements et cérémonies ponctuent les mois. Mais chaque jour, par le rythme et les actions faites ensemble, notre attention se maintient du lever au coucher, le mental calmé par la fluidité d’une journée où il n’y a plus à choisir. De jour en jour, la pureté invisible de notre vie quotidienne transforme silencieusement notre corps et notre esprit.

Nos « personnes » se rebellent, des pensées négatives jaillissent – ennui, plaintes, lassitude, critiques des autres et du « système » -, le corps s’accommode parfois avec difficulté à la pratique, les voix montent de temps en temps, un conflit peut surgir. Le plus souvent, ces maux sont emportés par le flot continu et puissant du rythme des journées.

Je suis arrivé dans le dernier tiers de  l’Ango de printemps puis suis resté pendant l’été pour compléter la période officielle des trois mois. La période de l’Ango est intense, avec la présence d’une vingtaine d’Angoshas ainsi que celle des visiteurs occasionnels. A l’issue de l’Ango, le rythme se détend quoique les activités restent identiques. Arrivent alors les mois de Juillet et d’Août avec la chaleur humide et les typhons. Typhon  exceptionnel cette année, le fleuve déborde et nous voilà avec pelle et brouette à déblayer un temple affilié.

Le mois d’Août est aussi le grand moment d’Obon, les cérémonies pour les esprits défunts. Jean-Marc Genzo et moi-même avons pu ainsi aider à l’organisation et assister à plusieurs cérémonies dans les temples. Nous avons circulé aussi de maison en maison, au milieu des rizières en pleine montagne ou bien dans le fond des vallées, pour chanter le Daishu et le Kanromon face à l’autel des ancêtres.

Trois mois, jamais je n’avais « coupé » aussi longtemps de la vie mondaine. Une fois rentré, les accueils varient entre la curiosité et la surprise face au corps aminci, au visage au sourire clair. Par la répétition, ces trois mois se résument finalement à une seule journée, et cette journée s’est évanouie dans le fil de l’attention continue. Il ne reste maintenant que quelques rêves, aux couleurs vives de la réalité, et la vie à Tokyo continue comme si presque rien n’avait changé.