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Un ango à Tosho-ji

Le retour d’expérience de Jean-Marc Delom

C’est par une chaleur étouffante que j’ai commencé cet Ango pour vivre ce qui m’apparaissait être une expérience. Dans la petite pièce à l’écart de tous je me remémorais les raisons qui m’avaient  amené dans ce temple. Un mélange d’angoisse, de doute, mais aussi de fierté d’avoir dépassé mes peurs de l’inconnu. Le sentiment d’être à ma place m’envahissait. Quitter sa famille, son travail,  ses habitudes, son confort pour trois mois, avait provoqué dans mon entourage un mélange d’incompréhension et de questionnement. Quant à moi je ne suivais qu’une seule chose … mon  intuition !

Je suis sorti rapidement du Tankario (période d’isolement), et après une cérémonie d’entrée dans le sodo (salle de méditation), de présentation au Roshi et aux Tokudo (moines et nonnes), les  activités journalières se sont vite mises en place : lever 4h, zazen, cérémonie, samu, thé et enseignement, samu, cérémonie, repas, repos, samu, repos, cérémonie, repas, douche, zazen, coucher 21h. La pratique continue s’installait, le temps n’avait plus d’emprise, seuls les sons dans le monastère rythmaient les journées. L’impression que j’étais là depuis des mois était présente en moi comme chez les autres.

Nous vivions ensemble dans un espace restreint. Nous dormions dans le sodo mais dans ce dépouillement total ou rien ne nous appartenait vraiment, sauf une valise et nos affaires de pratique ; j’avais l’impression d’avoir l’essentiel et tout à la fois. Un simple café accompagné d’un gâteau créait en moi un bonheur subtil et total. Cet espace était aussi un lieu de rencontre de nos egos, de se voir dans le miroir du regard des autres. Le rythme intense des journées, la fatigue exacerbaient les frictions, les tensions… Mais la pratique continue reprenait sa place et tout redevenait lisse, fluide et doux.

Cet Ango m’a permis aussi de mieux connaître et de tisser des liens forts avec Sebastian Mokusen. Nos activités en commun, les cérémonies, nos longues discussions, nos petites balades avant le  zazen du soir ont été autant de moments de partage et d’échange. L’Ango est un moment où nous pouvons aller en profondeur dans le fonctionnement et la construction du « moi » au travers de  cet « autre », par l’observation des différences, des ressemblances et dans tout ce qu’il a de profondément humain :  la conscience, les émotions, la parole qui fait sens et l’intelligence créatrice comme moyen de transformation et de changement.

Les cérémonies d’Obon furent non seulement l’occasion d’aller à la rencontre de la population et d’en comprendre le sens, mais aussi d’apprendre à vivre l’instant présent dans sa simplicité et son authenticité. Sans avoir trop répété, nous devions officier par l’ observation et la simple attention continue. L’erreur n’avait pas d’importance, seule l’harmonie entre nous comptait.

Vivre l’Ango  dépasse la notion de vivre une expérience. Après le départ de Sébastian Mokusen j’ai rencontré le « Silence » lors d’une sesshin puis en raison de ma difficulté à communiquer en anglais. Cette rencontre m’a amené peu à peu à réaliser « corporellement » et non mentalement l’illusion de mes connaissances passées et de mes certitudes du moment. Dans cette solitude et en voyant le reflet des choses, la vie apparaissait simplement maintenant.

En arrivant à Tosho ji j’ai eu l’impression d’y avoir déjà vécu. Le jour de mon départ j’avais l’impression d’y avoir toujours vécu.

Trois mois se résument en fait en un instant.

Un instant de silence dans cette « demeure paisible » !