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Bonjour chers ami-e-s de Tenbôrin

J’espère que vous allez bien.

Au moment où chacun est obligé de rester à la maison, se fait davantage sentir le besoin de se retrouver pour simplement s’asseoir ensemble et pratiquer la Voie du Bouddha.

Les conseils sont en général peu suivis, mais si nous souhaitons rester calmes et centrés sur ce qui est important, voici celui que je vous propose : chacun-e devrait s’asseoir pour pratiquer zazen aux mêmes heures qu’il-elle en avait l’habitude en venant au dojo avant que se déclare cette période de confinement ; ou en le faisant aux mêmes horaires que ceux du dojo. C’est une façon de partager l’espace de la Présence, de s’unir à tous les êtres, et de rendre hommage à celles et ceux qui nous ont transmis l’enseignement du Bouddha.

Ce confinement va durer …. 

Alors nous vous ferons parvenir régulièrement quelques réflexions, enseignements et annonces pour que notre sangha, comme toutes les autres, reste évéillée, vivante et conserve dans le coeur cette tranquillité qu’enseigne le zen et le désir profond d’agir comme un bodhisattva pour le bien des autres.

Voici donc un premier message :

Confinement et Solitude.    

Nuit calme, sous la fenêtre vide assis en méditation, enveloppé dans ma robe de moine, nombril et narines bien alignés, oreille et épaules dans le même axe.

La fenêtre est blanche, la lune vient de sortir, la pluie a cessé, les gouttes tombent encore.

Á ce moment-là mon sentiment est extraordinaire, vaste, immense, connu de moi seul.

Ryokan

On rêve parfois d’être seul, comme Ryokan dans son ermitage de montagne, lorsque la pression des autres, des médias et des phénomènes nous submerge, nous oblige à adopter sans cesse un comportement approprié et à faire jouer toutes les facettes de notre personnage et continuer à paraître.

On voudrait se sentir mieux, mais on ne sait plus parfois comment s’en sortir, où aller, à qui se confier ou à qui faire confiance et quoi imaginer pour éviter de s’enliser ou tomber. On voudrait arrêter de courir, arrêter le temps, et même arrêter tout court.

Et puis les circonstances proposent une trêve, un moment de répit et le temps semble suspendu. Ce n’est pas ce qu’on attendait ou qu’on espérait, loin de là. C’est même une douleur supplémentaire dont il est difficile voire impossible de comprendre le sens quand tout est chamboulé par un seul petit germe invisible !

Sentiment d’isolement, de confinement contraignant, dur à vivre, impossible semble-t-il à surmonter pour certains. On se sent douter de soi-même, vraiment seul, même au milieu des autres ! On voudrait se retirer en haut de la montagne avec Ryokan et se voir regarder la beauté du paysage, en comprenant amèrement aussi que cela n’existe que dans l’imagination.

Les repères et les habitudes qui permettaient de délimiter l’espace personnel, la relation aux autres, les routines de la vie courante, l’activité professionnelle sont d’un seul revers bousculés, effacés, balayés.

La tentation immédiate est cependant forte et quasiment atavique de s’inventer de nouveaux jouets, de faire durer encore et encore les habituelles distractions et les jeux virtuels, dans son chez-soi parfois bien étroit. Et de tenter d’échapper une fois encore à cet isolement qu’on qualifie à tort de solitude.

Mais pourtant ce renversement des principes et des habitudes de la vie quotidienne est un moment propice pour découvrir et explorer la vraie solitude et trouver un chemin authentique de partage et de communication avec les autres, de véritable compassion.

Le confinement est nécessaire, mais il ne s’agit pas là de solitude.

La solitude a un autre parfum. On le sent lorsqu’on parvient à se libérer du passé et du souci d’avoir à se projeter dans le futur, que l’on accueille l’instant présent comme un nouveau-né qui ouvre les yeux pour la première fois.

La vraie solitude est l’espace même de la pureté et de l’innocence d’où surgissent tous les futurs possibles, toutes les énergies constructives. Elle est lumière créatrice surgie de l’obscurité, vierge de toute contamination, au-delà de l’ignorance et de la souffrance. Elle est vacuité.

Peut-on regarder cette profonde solitude, simplement, telle qu’elle est, sans chercher à la fuir, sans vouloir l’habiller avec des mots, la voiler de mille commentaires, sans ressentir la peur de n’être personne ?

Le parfum de la solitude libère notre esprit de ses chaînes karmiques et de l’attraction des dix mille choses. Il est comme une fumée d’encens qui se répand dans l’espace de la conscience.

Quand l’esprit rejoint cette solitude, il retrouve sa source. Les peurs se dissolvent, les doutes ne sont plus que des doutes et les choses reprennent leur anonymat au sein de cette Présence qui fonde et unit toutes les existences.

Le parfum de cette solitude pure et simple se déploie dans le cœur de notre méditation. Le parfum de l’Un, Shikantaza.

Bonne pratique à toutes et tous. Continuons zazen avec courage !

Avec toute mon amitié en ce début de printemps.

~Guy Mokuho