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Visite de Shohaku Okumura Roshi – Octobre 2018 – Centre zen de Lanau

Visite de Shohaku Okumura Roshi – Octobre 2018 – Centre zen de Lanau

-Par Odile Hoog

Environ quarante personnes de notre sangha et d’ailleurs ont eu la chance de participer au séminaire « vivre selon ses voeux « et de rencontrer Okumura Roshi à Lanau. Okumura Roshi a 70 ans,  mais il en paraît vingt de moins. On perçoit immédiatement lorsqu’on le rencontre sa bienveillance, son ouverture et sa joie. A la question « quelles étaient vos attentes lorsque vous avez accepté de venir en Europe » ; il répond simplement avec le sourire : « partager mon bon kharma et passer un bon moment ».

Lanau était son dernier arrêt avant de rentrer chez lui à Bloomington dans l’Indiana, après un voyage européen de 3 semaines où il a visité ses disciples. Il avait accepté l’invitation de Guy et il nous a beaucoup donné.

Okumura Roshi est un grand érudit. De formation universitaire, il est cependant discret et simple, et ce n’est que quand des questions très pointues lui sont posées que l’on peut mesurer l’étendue et la profondeur de ses connaissances.

Car ce dont il nous a parlé essentiellement, c’est de la pratique et de notre engagement dans la vie quotidienne, et de l’illusion du moi. Il nous a partagé ses expériences personnelles et sa compréhension du Dharma avec humour et sincérité.

A l’âge de 17 ans, il voulait comprendre le sens de l’existence ; il est tombé par hasard sur des écrits de Maître Dogen auxquels il dit n‘avoir pas compris grand-chose ! Puis il a rencontré Uchiyama Roshi qui est devenu son maître et auquel il reste fidèle encore aujourd’hui. Il en parle avec émotion et respect, et on comprend ce que signifie pour lui la transmission.

C’est son maitre Uchiyama Roshi qui lui a demandé d’apprendre l’anglais et de partir pour les USA ; il a accepté et ce fut « sa première erreur » dit il en riant de lui-même. D’abord dans le Massachussets, où il contribue à construire de ses mains un ermitage, ce qui aura beaucoup d’incidences sur sa santé, puis en Californie, et enfin dans l’Indiana.

Okumura Roshi ne dit jamais « d’après Dogen » – dont il étudie les enseignements depuis 50 ans -, mais « d’après ma compréhension de Dogen » ; ce n’est pas une posture, c’est que cet homme est l’humilité incarnée. Il avoue qu’après tout ce temps, il ne comprend toujours pas tout, et que plus il escalade la montagne, plus le point ultime s’éloigne ; jolie métaphore !

Okumura Roshi nous présente son dernier livre Living By Vow (vivre selon ses voeux). Nous avons eu la chance de rencontrer sa traductrice et disciple, Madame Shoju Malher, qui participait au séminaire. Dans ce livre, Okumura Roshi montre que tous les sutras du zen que nous chantons dans les dojos ont en fait pour base les voeux du boddhisattva.

Il explique qu’au coeur des 4 voeux du bodhisattva réside une contradiction pour nous insurmontable : comment est-il possible de sauver tous les êtres ; comment dépasser toutes nos illusions ;  comment pourrions nous actualiser avec tous les êtres la voie du bouddha et comprendre tous ses enseignements ? Okumura Roshi explique qu’il nous faut comprendre que ces voeux sont sans fin et que la pratique n’a pas de limite ; c’est le sens de ces voeux impossibles à réaliser pour un être ordinaire.  Aussi il nous renvoie cette question : dans cette vie, quel est véritablement le voeu que  nous choisissons pour nous engager en tant que bodhisattva ? Nous devons tous nous poser cette question ; et Okumura Roshi ajoute que le monde a besoin de différentes sortes de gens exprimant leur créativité à travers des moyens différents. C’est notre vie, notre voeu (1).

Il explique que le voeu qui est toujours le sien depuis 50 ans est double : étudier et comprendre Dogen Zenji pour le partager et le rendre accessible notamment aux occidentaux du 21ème siècle, et pratiquer selon les enseignements de son maître Uchiyama Roshi : Shikantaza sans rituels, sans kusen ; lâcher tout simplement le corps-esprit, ouvrir la main de la pensée ; pratiquer Shizantaza  qui permet de se libérer de notre karma passé, et nous rend libres de ne pas créer de karma ; une transformation dont zazen est le point de départ.

Comprendre que les 5 agrégats font exister un moi illusoire ; abandonner corps et esprit et nous libérer de notre identité sans la perdre. Voilà notre zazen. Tous les enseignements de Okumura  Roshi sont bien sûr les mêmes que ceux de nos maîtres… et heureusement !

Mais la clarté de ses explications dans un anglais simple et précis que la plupart d’entre nous comprenaient sans avoir besoin forcément de la traduction (merci cependant à Mickael pour sa  prestation de traducteur !) qui se base sur les kanjis eux-mêmes, en plus de sa gentillesse et de son humour ont fait de ces quelques jours une expérience unique. Merci monsieur Okumura, vous  nous donnez envie de mieux comprendre Dogen et sa modernité, et merci Guy de nous avoir organisé ce moment privilégié .

(1 Voeu au sens de engagement et pas souhait ; vow et wish se traduisent tous les 2 par « voeu » en français.)

Sangha Tenborin